Ligne
de crête
Plon,
1961 Desclée de Brouwer, 1978, suivi de Les hommes de
souterrain.
Reprenant,
après quinze ans, Ligne de crête, Jean Sulivan, dans
le texte inédit Les hommes du souterrain, le résume ainsi
: tout savoir théologique réduit, ratatiné, asservi
à lutile, hors création, conduit à la révolte
ou à lindifférence. Lordre dans lordre
spirituel se présente comme violence et trop souvent le
savoir des éclairés a paralysé lespérance
des petits. Le mystère chrétien se vit non dans lespace
blanc du mental mais à ras de corps et de terre .Enfin, Dieu na
pas réponse aux questions ; faire de lui un répondeur, cest
le transformer en ordinateur.
Jean Sulivan prolonge ces réflexions dans le nouveau texte qui
vient compléter ligne de crête : " Tant que lÉglise,
dit-il notamment, naura pas réalisé quil y a
un langage qui rend tout discours religieux folklorique , pur produit
de tribu, radicalement inapte à être entendu par l'étranger
( et ce dautant plus que le langage a du succès à
lintérieur de la tribu), elle ne parlera pas lÉvangile
"
D'une plume légère, Sulivan dessine le visage dune
foi vivante et capable de tenter aussi bien les " rebelles "
que les " solitaires ". Pour ces débats dun homme
en face de son âme, il invente un ton vif, souvent combatif, mais
inspiré par lenthousiasme et la foi : un bel effort pour
parler à lhomme, et pour lessentiel, un langage quil
comprenne.
" En vérité il peut arriver que ceux qui désertent
et disent pourquoi, invitent lÉglise à sinterroger
sur lenfermement culturel. Quelle noublie pas que cest
en elle, dans la pratique évangélique et mystique, que nombre
dentre eux ont puisé la passion de la vérité.
Quils partent ou demeurent, exilés intérieurs, il
est possible de les voir comme des éclaireurs qui signalent des
antinomies. Non quil faille les suivre ni que leur démarche
soit la seule possible. Mais précisément parce quils
nont pas badiné conjointement avec lintelligence ni
lÉvangile et quils ne se sont pas laissé arrêter
par la dévotion, la peur ni lhumilité ils peuvent
rendre manifeste ce quil y a dartificiel et de bricolé
dans le système conceptuel qui sert darmature à la
foi, du moins au niveau des mentalités. Cest-à-dire
ce quil y a de volontariste, de malsain, de non éclairable
par la pensée nue et finalement de contradiction à lesprit
évangélique qui en définitive ne tient souvent que
par une fausse idée de lobéissance.
Que de spécialistes apparemment assurés chez qui la générosité
du cur et le prosélytisme vont de pair avec laffirmation
abstraite, mortifère en poussant à la surcompensation fanatique.
Que dapôtre tendus dont le visage ne dit rien dautre
que la tragédie intérieure. "
|